Il y a quelques jours, nous sommes allés faire des repérages pour l’itinéraire de notre future promenade « entre formel et informel » qui aura lieu en septembre. L’objectif, c’est de parcourir, en 5km, les différentes formes urbaines que l’on trouve à Saint-Laurent. 5km c’est peu, et pourtant le contraste est déjà saisissant.
On commence au départ de la piste qui prolonge la route de Fatima et on arrive progressivement dans le quartier de Colombie. Première étape donc, les quartiers spontanés. Colombie-Carrière, Chekepatty, et des zones dont on ne connaît pas encore la toponymie et qui se densifient progressivement derrière le CHOG. On s’aperçoit que leur densification s’est faite de manière différente, que certains quartiers plus récents sont pourtant plus denses que d’autres. J’essaye d’interroger un monsieur sur les raisons qui font que telle ou telle personne choisie de s’installer là, sur les dynamiques de régulation qu’il peut y avoir au sein d’un quartier… Est-ce que n’importe qui peut venir construire sa maison ou il faut consulter quelqu’un, les voisins, une autorité avant ? Qu’est-ce qui joue davantage ? Les regroupements familiaux, l’accessibilité, la proximité des services publics ? Je n’ai pas obtenu de réponse. Quelque soit le quartier spontané qu’on traverse, on ressent une ouverture sur l’autre assez forte : les parcelles sont délimitées de manière douce grâce à des plantations ou souvent pas délimitées du tout ; les enfants comme les adultes naviguent facilement d’une maison à une autre ; les chemins serpentent tout autour des habitations ; certains espaces sont laissés volontairement libres et sont appropriés par les habitants grâce à du petit mobilier urbain ou des plantes par exemple.
Ensuite, on traverse les lotissements LES (logements évolutifs sociaux) (Sables-Blancs, Awara, Amapa), petites rues bien tracées aux maisons bien alignées. Le principe des LES, c’est que le « module de base » est identique, puis que chaque propriétaire est libre de le faire évoluer comme il le souhaite (ou presque), au grès des possibilités financières et des évolutions familiales, par exemple. Cela donne lieu à une disparité de maisons intéressante, c’est amusant même d’essayer de retrouver la forme d’origine de la bâtisse derrière les améliorations qui y ont été apportées. Ici, on sent que l’ouverture sur l’autre est un peu moins forte, les habitants eux-mêmes disent qu’ils ont tendance à rester chez eux, à peu se rencontrer. Malgré tout, en fin de journée on trouve souvent des adultes en train de discuter sur le trottoir devant chez eux, ou des enfants qui jouent dans la rue. Les parcelles sont bien délimitées par des barrières et les rues sont en goudron bien lisse (façon de parler, on n’oublie pas les nids de poule qui apportent un peu d’aspérité) et montrent peu de signe d’appropriation des habitants.

Enfin, on arrive dans la ZAC (zone d’aménagement concerté) Saint-Maurice, qu’on aperçoit de loin, alors qu’on a encore un pied dans les quartiers spontanés, et alors là c’est un tout autre monde qui s’ouvre à nous. Quartier en devenir, en pleine construction, créé de toute pièce par la SENOG, dans lequel tous les espoirs pour combler le déficit de logements sociaux de Saint-Laurent semblent être placés. On traverse les futures rues, le long desquelles sont alignés les « bâtiments », barres d’immeubles qui font parfois 3 étages (impressionnant pour Saint-Laurent), et les yeux soudain se portent en hauteur alors que jusqu’à présent les perspectives étaient horizontales. La ZAC est encore en chantier alors on imagine tout le goudron qui va arriver d’ici peu tout en marchant dans la boue, on se cogne contre les tubes métalliques, on se baisse pour passer sous les câbles électriques par encore fixés… Il faut un peu d’imagination pour visualiser ce que sera la ZAC dans quelques mois, mais l’essentiel est déjà là, et quel grand écart entre les premiers quartiers traversés, les maisons individuelles, l’espace, les arbres, et ces blocs de béton ! Que devient-on quand on passe de l’un à l’autre ? Oui, vivre en ville ça vient avec des concessions et ça s’apprend, sans doute. Difficile aujourd’hui d’être un citadin et d’aspirer à avoir son bout de terrain, on connaît le coût environnemental et financier de l’étalement urbain, mais n’y a t-il pas un juste milieu et un moyen d’éviter l’effet ghetto ?